Palingénésie
J’aime ton caractère et tes cicatrices,
Toute cette vie passée qui t’a déposée
Dans mes yeux pour te reposer
Des épreuves et douleurs annonciatrices
De la juste valeur, de l’étoffe subtile
Et si précieuse de la pureté d’un sentiment
Naissant, enivrant et qui ne ment,
Extrait du suc que deux âmes distillent
Le jour se déplie et la sève engourdie se cabre
Avec une force estomaquante et suffocante
Qui déchire le voile de survie et décante
Les secondes satines pulsées en cinabre.
Combien de petites mains habiles
Blessées pour apprendre le métier
Peaufiner, ciseler en art ce chantier
Qu’était le cri tu du gosse immobile ?
Il nous a fallu tout ce temps, toutes ces vies,
Sculptées au scalpel des affres et revers,
Scarifiées pour que naisse ce virginal univers
Où la sagesse rejoint l’innocence sur le parvis.
Il nous a fallu nous égosiller à la surdité,
Nous brûler les yeux aux cent mirages,
Nous révulser la bouche de trop de rages,
Pour rendre à l’homme l’humaine innocuité.
Une autre vie s’offre, pas moins fragile.
Il faudra avancer une fois encore sans filet
Et finement maîtriser l’aiguisé stylet
Du duo osé dont l’accord se doit agile.
Le silence s’affine, brodé d’or,
Ni prudence, ni pudeur, s’exposer
Plus que jamais parce que justement dosé,
Prière et recueillement du conquistador.
Le 10 août 2012,
Prosenoire.
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"On ferme les yeux des morts avec douceur ; c'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants."
[Jean Cocteau]
"Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri."
[Alfred de Vigny]